top of page

Papier de recherche

effectué dans le cadre

du collectif Le Cercle de l'Art

décembre 2023

1. Parlez-nous de votre travail et de votre pratique et de la manière dont vous avez développé votre approche dans le contexte contemporain, qu'il soit intellectuel, historique (notamment dans l’histoire de l’art), social, environnemental, etc.

Sophie Félix Joachim.
3 prénoms. 1000 possibles. 1 seule vie.
Je crois qu’elle est là la raison d’être de mon travail artistique. 


Une équation entre la pluralité de l’imaginaire et la singularité du corps.
Seule la peinture m’a donné la liberté de mettre ces notions sur un même plan. Sur une même surface.

Je viens d’un monde qui valorise l’indépendance, la bonne insertion, la simplicité, l’efficacité, la rapidité. Je suis un monde où règne le désordre, le temps suspendu, les doutes, et comme tout le monde, la complexité.

 

Mes travaux sont ma respiration, philosophique et sensorielle, dans ma vie de mère et de designer.

J’y explore depuis 2020 cet espace potentiel propre à chaque être humain.

Espace potentiel où s’entrechoquent notre intériorité et le monde extérieur, nos idéaux et notre quotidien. Un espace entre l’abstraction confortable des idéaux et la rugosité de la fragmentation du quotidien.

J’ai commencé par la peinture, avant d’y insérer des miroirs, de la photographie, et d’autres médiums.

Travaillant dans le digital et l’information pour survivre et plongeant dans la peinture et la matière pour vivre, je me sens remplie des paradoxes de notre société.

Dans cet espace entre idéal et quotidien, j’explore la notion de possibles, d’ informations, de dissonance, de mouvement , d’éducation, de temps, d’énergie, de digital ...

Je suis portée par l’absurdité de Camus, les déplacements de Claire Marin, l’espace potentiel de Winicott, et depuis peu les images claires de Jancovici et le spectre d'Eric Sadin. 

J’ai du mal à me situer sur la scène artistique contemporaine française. Je suis le fruit d’une histoire de l’art occidentale. L’idéal se veut antique, Vermeer m’autorise à peindre le quotidien, Cézanne me permet la pluralité des espaces sur une seule surface, alors que Hockney me percute avec la pluralité des temporalités et l’apparente simplicité.

J’aime intégrer un aspect participatif à mon travail ou exposer dans des lieux associatifs.

Je vis entre Paris et Brest.

2. Lequel de votre projet/série/œuvre artistique est le plus représentatif de votre travail ?

 

Je pense à trois travaux en particulier :

Le premier travail est composé du tableau Le Bocal (2020), accompagné de sa “peinture fragmentée” :

Le Bocal, inspiré de “La civilisation du poisson rouge” présente une femme, assise, blasée ou fatiguée, qui regarde en dehors de chez elle. De là où elle est, elle ne voit que la lumière de son intérieur éblouir l’extérieur. Elle pourrait se lever pour découvrir ce qui est à côté de chez elle, mais elle préfère rester assise et contempler ce qu’on lui projette. Inspiré par “La civilisation du poisson rouge” de Bruno Patino et “Histoire de la fatigue” de Georges Vigerello.

La peinture fragmentée qui l’accompagne raconte la main comme lien entre l’idéal (la toile présentée) et la réalité quotidienne pour la réaliser (la fragmentation des gestes, la rugosité). La main et le geste comme outil de foi. J’amorce ici les contours de l’espace potentiel comme sujet central de mon travail. Cet espace entre quotidien et idéaux, où notre intériorité et le monde extérieur se rencontrent.

le deuxième travail est plus récent (novembre 2023) : Il s’agit de la grotte réalisée lors de la résidence à Sidi R’bat, Massa Stories.

 

Non seulement la grotte m’a permis de déployer mon geste, mais elle m’a permis d’affirmer une palette et des maladresses qui n’osaient pas encore vivre. Dans cet espace entre idéaux et quotidien qui me fascine, le mythe de Sisyphe existe depuis longtemps. Pour quoi, tout ça ? Pour quoi, cette foi dans les gestes ? Pour aller où, réellement ? Je ne sais pas. Mais je sais que j’ai aimé la réponse d’Albert Camus qui propose un Sisyphe heureux. Et pourquoi pas un homme juste heureux de pousser sa pierre sans but réel ? Fêter la beauté éphémère et maladroite de la vie. Palette pastel, gestes maladroits, écriture mêlée au dessin, souffle universel. Entre quotidien et idéaux.

Le troisième est mon travail sur Les portraits Maternels. 

Cette série de peinture est née de l'envie de travailler les portraits - et ainsi de me questionner, en tant que peintre, sur le sujet : vers qui tourner mon regard aujourd'hui? - et de l'envie de travailler la notion de "loisir intérieur" découverte dans le livre "Le temps de l'urgence" de Ch. Bouton, qui cite Paul Valéry : 

" (...) Mais je dis que le loisir intérieur, qui est tout autre chose que le loisir chronométrique, se perd.

Nous perdons cette paix essentielle des profondeurs de l'être, cette absence sans prix, pendant laquelle les éléments les plus délicats de la vie se rafraîchissent et se réconfortent, pendant laquelle l'être, en quelque sorte, se lave du passé et du futur, de la conscience présente, des obligations suspendues et des attentes embusquées...

Point de souci, point de lendemain, point de pression intérieure; mais une sorte de repos dans l'absence, une vacance bienfaisante, qui rend à l'esprit sa liberté propre" 

Paul Valéry, le bilan de l'intelligence

Vous pouvez découvrir l'Appel à Projet ici

3. Quelles sont les ressources dans lesquelles vous puisez pour mener vos recherches et expériences dans votre pratique (ces ressources peuvent être théoriques, techniques, conceptuelles, sociales, historiques, etc.) ?

Je me nourris beaucoup de livres contemporains. D’essais philosophiques, sociologiques ou historiques. Ils apaisent souvent mes angoisses et alimentent mes peintures. Je pense notamment au “Temps de l’urgence” de Christophe Bouton qui m’a inspiré ma série sur les portraits maternels.

Je pense à l’espace potentiel de Daniel Winicott dans lequel je reconnais ma peinture : « Entre jeu et réalité, l’espace potentiel”.

Dernièrement, ce sont surtout des écrits et des audios d'Eric Sadin, Aurélien Barrault, Jancovici, ou encore Laurent Alexandre qui m'ont alimenté. 

D'un point de vue pictural, je me nourris de la couleur et des gestes d’autres peintres et artistes : l’apparent calme de Hopper, l’absurdité de Magritte ou de Chirico, les couleurs de Hockney, la poésie de Jacques Tati, les mots de Gaël Faye ou les chorégraphies de Marion Motin et le rythme de Indes Galantes.

 

4. Comment envisagez-vous la professionnalisation et la commercialisation de votre travail et de votre pratique ?

Cette question est immense. Elle met en regard l’aspect productif d’un travail artistique avec son aspect créatif et libre. Il est vital pour moi qu’il reste libre. Il est vital d’avoir le temps de le réaliser. Sacrée équation.

J’envisage de partager mon travail comme je le peux.

Et qu’il trouve un écho qu’on ne peut mesurer. J’envisage que la notion de commercialisation soit une notion de rencontre.

J’envisage de continuer à créer et que la foi que je porte dans mes gestes et mes pensées s’intensifie, s’accroche, s’envole, et continue de toucher autour de moi.

Continuer de toucher des personnes qui m’accompagneront dans mon parcours et ma route. Pour exposer dans des lieux de ressources (associations / hôpitaux / lieux de ressources ...)

Pour organiser des rencontres autour des sujets que j’aime travailler (les idéaux, les dissonances cognitives, la société de l’information, le mouvement, l’éducation, le temps, les possibles, la fatigue ...),

Pour publier des écrits,
Pour m’aider à garder une bulle de création, en France et ailleurs.

Si vous êtes une de ses personnes, je vous laisse le soin de me contacter, je serai ravie d'échanger avec vous. 

5. Présentez le projet / la série d’œuvres que vous souhaitez présenter dans votre portfolio du Cercle Saison 3 ? En quoi s’agit-il d’un travail inédit ?

Dans cet espace que j’explore, entre quotidien et idéaux, je travaille en ce moment sur le sujet des ressources.

Comment trouver les ressources pour continuer à aller vers notre idéal ? Jusqu’où puiser dans nos ressources ? Où trouver de nouvelles ressources quand tout notre environnement a changé ? Quel impact ces changements peuvent avoir sur notre idéal et notre quotidien ?

Toutes ces questions de ressources m’accompagnent depuis que j’ai changé de lieu de vie, et je leur trouve un écho à l’échelle sociétale.

Toutes ces questions ont eu un impact sur ma palette, mes compositions, et mes gestes. J’espère pouvoir vous présenter une partie de mon travail en avril.

(update 28 mars 2024 : Mon travail est disponible : RESSOURCES - 1er cycle de recherche !)

6. Quels sont vos projets/vos ambitions au-delà du Cercle de l’Art les prochaines années ?

 

Déployer mes gestes. Faire vivre mes couleurs. Être libre.
Partager. Rassembler. Faire vibrer.
Je veux aimer. Aimer celles et ceux qui m’entourent. Aimer mes doutes. Et continuer.

bottom of page